Le cannabis peut-il devenir une source d’énergie renouvelable ? Perspectives et limites

Le cannabis peut-il devenir une source d'énergie renouvelable ? | JustBob

Publié le: 17/11/2025

Malgré ses qualités, le cannabis peine à s’imposer dans un secteur dominé par les cultures traditionnelles et freiné par des incitations peu structurées

La recherche de sources d’énergie alternatives et durables est l’un des défis les plus urgents et les plus pressants de notre époque. Dans ce contexte, le chanvre industriel peut être considéré comme une ressource précieuse pour la production de biocarburants et de biomasse énergétique.

Le chanvre possède en effet des caractéristiques agronomiques et chimiques qui le rendent particulièrement intéressant pour des applications dans le secteur des énergies renouvelables. Sa croissance rapide, son rendement élevé à l’hectare et sa capacité à s’adapter à différents types de sols le distinguent des autres cultures utilisées aux mêmes fins.

L’intérêt scientifique pour le potentiel énergétique du cannabis s’inscrit dans le débat animé sur la transition écologique et la nécessité de réduire la dépendance aux combustibles fossiles. Plusieurs études menées en Europe et en Amérique du Nord ont exploré les possibilités de convertir la biomasse de chanvre en bioéthanol, biodiesel et granulés pour la combustion directe. Cependant, outre ces perspectives encourageantes, il existe des contraintes techniques, économiques et réglementaires qui nécessitent une analyse approfondie.

Pour comprendre le rôle potentiel du cannabis dans le paysage énergétique futur, il faut évaluer non seulement ses propriétés biologiques, mais aussi l’ensemble du cycle de production, de l’agriculture à la transformation industrielle, en tenant compte des impacts environnementaux, de la viabilité économique et de la faisabilité technologique.

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Propriétés agronomiques et productivité énergétique du cannabis

Comme nous l’avons déjà mentionné, le chanvre industriel présente certaines caractéristiques agronomiques exceptionnelles qui le distinguent des autres cultures destinées à la production d’énergie.

Son cycle végétatif rapide, compris entre 90 et 120 jours entre le semis et la récolte, permet d’obtenir une biomasse abondante en peu de temps. Les plantes peuvent atteindre des hauteurs comprises entre 2 et 5 mètres, produisant des quantités considérables de matière sèche par hectare. Des études menées dans des conditions climatiques européennes ont montré des rendements moyens de 8 à 15 tonnes de biomasse sèche par hectare, des valeurs comparables ou supérieures à celles de cultures énergétiques bien établies telles que le miscanthus ou le sorgho.

La structure de la plante offre une bonne polyvalence dans les applications énergétiques. La tige contient des fibres longues et résistantes dans sa partie externe, tandis que le chanvre, la partie ligneuse interne, constitue environ 70 % de la masse totale. La composante ligneuse présente une teneur énergétique estimée à environ 18-19 mégajoules par kilogramme de matière sèche, une valeur comparable à celle d’autres biomasses lignocellulosiques utilisées pour la production d’énergie.

D’un point de vue agronomique, le chanvre nécessite un apport minimal pour atteindre des rendements élevés. La plante développe un système racinaire profond qui lui permet d’accéder à des ressources en eau et en nutriments dans des couches du sol inaccessibles aux cultures conventionnelles, une caractéristique qui réduit le besoin d’irrigation artificielle et de fertilisation intensive, éléments qui ont une incidence sur le bilan énergétique et économique des cultures dédiées.

De plus, le chanvre exerce une action de contrôle naturel sur les mauvaises herbes grâce à sa croissance vigoureuse et à son feuillage dense, réduisant ainsi le besoin d’utiliser des herbicides.

Biocarburants de première et deuxième génération : le rôle du chanvre

La conversion de la biomasse de chanvre en biocarburants est sans aucun doute l’un des domaines de recherche les plus actifs.

Les biocarburants de première génération, obtenus à partir de graines oléagineuses, constituent la voie la plus directe vers la production de biodiesel. Les graines de chanvre contiennent en moyenne 30 à 35 % d’huile, dont la composition en acides gras est favorable à la transestérification, processus chimique permettant d’obtenir du biodiesel. Les analyses en laboratoire ont confirmé que le biodiesel de chanvre possède des propriétés combustibles comparables à celles du biodiesel de colza ou de tournesol, avec des valeurs de cétane adéquates et des caractéristiques de fluidité acceptables.

La production de biodiesel à partir de graines présente toutefois certaines limites économiques. Les graines de chanvre représentent une fraction minoritaire de la biomasse totale, environ 20 à 25 % du poids sec, et leur valeur sur le marché alimentaire et cosmétique dépasse généralement leur valeur énergétique. Utiliser les graines de chanvre pour la production de biocarburants est donc économiquement désavantageux par rapport à des applications dans le secteur nutraceutique, où des produits tels que l’huile de CBD et d’autres extraits trouvent des marchés prêts à payer des prix élevés.

Les biocarburants de deuxième génération, dérivés de la conversion de la totalité de la biomasse lignocellulosique, offrent des perspectives plus prometteuses. Des processus d’hydrolyse enzymatique ou chimique permettent de dégrader la cellulose et l’hémicellulose en sucres simples, qui sont ensuite fermentés pour obtenir du bioéthanol. La structure des fibres de chanvre, dont la teneur en cellulose est comprise entre 70 et 80 % du poids sec, les rend théoriquement adaptées à ces processus. Des recherches menées dans des universités européennes ont montré des rendements de conversion en bioéthanol compris entre 200 et 300 litres par tonne de biomasse sèche, des valeurs compétitives par rapport à d’autres sources lignocellulosiques.

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Combustion directe et production de granulés : la plante de cannabis comme ressource

La combustion directe de la biomasse de chanvre pour la production de chaleur et d’électricité est l’application technologiquement la plus mature dans le secteur énergétique. Le chanvre, correctement séché et granulé, peut être utilisé dans les chaudières domestiques et industrielles comme alternative aux granulés de bois. Son pouvoir calorifique inférieur, mesuré à environ 17,5-18 mégajoules par kilogramme, est légèrement inférieur à celui des granulés de sapin ou de hêtre, mais reste toutefois adapté aux applications thermiques.

La composition chimique du chènevotte présente des avantages par rapport à certaines biomasses ligneuses. Sa faible teneur en lignine, comprise entre 3 et 5 %, facilite les processus de pelletisation et réduit les émissions de particules lors de la combustion. Des analyses menées sur des installations pilotes ont mis en évidence des émissions d’oxydes d’azote et de particules fines inférieures à celles des granulés de conifères, ce qui est important pour le respect des limites réglementaires sur les émissions issues de la biomasse, de plus en plus strictes.

Les installations de cogénération, qui produisent simultanément de l’électricité et de la chaleur, pourraient exploiter efficacement la biomasse de chanvre. Des études de faisabilité intéressantes menées en France et en Allemagne ont évalué l’intégration des filières du chanvre dans des centrales à biomasse de petite et moyenne taille, mettant en évidence des rendements globaux compris entre 75 et 85 % lorsque la chaleur résiduelle est également récupérée.

Biogaz et digestion anaérobie : une autre qualité du chanvre

La digestion anaérobie est un autre moyen de valoriser le cannabis d’un point de vue énergétique. En l’absence d’oxygène, la matière organique est transformée en méthane et en dioxyde de carbone, un mélange utile pour produire de l’électricité et de la chaleur ou, après purification, du biométhane pour les transports. Le chanvre est adapté à ce processus grâce à son rapport carbone-azote équilibré et à sa structure facilement dégradable par les micro-organismes.

Certaines expériences menées dans des installations agricoles, utilisant du chanvre ensilé comme substrat, ont obtenu des rendements de méthane compris entre 250 et 350 mètres cubes par tonne de matière organique, des valeurs intermédiaires entre le maïs ensilé et les biomasses lignocellulosiques moins dégradables. Le chanvre peut être cultivé comme deuxième culture après les céréales d’hiver, optimisant ainsi l’utilisation des terres sans les soustraire à la production alimentaire.

Même les résidus de la transformation industrielle du chanvre, tels que ceux provenant de l’extraction de fibres ou de produits à base de CBD, contiennent des glucides fermentables utiles à la digestion anaérobie. Leur utilisation améliorerait le bilan économique et énergétique des filières intégrées, où le chanvre est destiné à la fois à des productions à haute valeur ajoutée et à la production d’énergie.

La plante de cannabis entre durabilité environnementale et bilans énergétiques

Pour évaluer la durabilité du chanvre énergétique, il est nécessaire de procéder à des analyses précises du cycle de vie, en tenant compte des apports énergétiques, des émissions et des impacts environnementaux. Plusieurs études ACV indiquent des bilans énergétiques positifs, avec des rendements énergétiques trois à cinq fois supérieurs aux apports, selon les technologies utilisées.

Du point de vue des émissions, le chanvre affiche de bonnes performances : il absorbe le CO₂ pendant sa croissance et ne le rejette qu’au moment de son utilisation énergétique, dans un cycle théoriquement neutre. Des études estiment les réductions d’émissions entre 50 et 70 % par rapport aux combustibles fossiles, même si l’efficacité dépend des pratiques agricoles et de l’efficacité des processus.

La culture apporte des avantages au sol et à la biodiversité : les racines améliorent la structure du sol, augmentent la rétention d’eau et réduisent l’érosion érosion. De plus, nécessitant peu de traitements chimiques, la plant de cannabis favorise les insectes pollinisateurs et les organismes utiles. En rotation, il agit comme une culture amélioratrice, interrompant les cycles des parasites et des maladies.

Limites économiques et compétitivité commerciale du chanvre à usage énergétique

Malgré son excellent potentiel, le chanvre énergétique présente certaines limites. Les coûts de production sont plus élevés que ceux des combustibles fossiles et ne sont compétitifs que sur des marchés spécifiques ou grâce à des incitations. En outre, la plante de cannabis nécessite des investissements dans des machines spécialisées, souvent absentes des exploitations agricoles traditionnelles, ce qui crée une barrière à l’entrée , en particulier pour les petits producteurs.

De plus, le marché énergétique est peu favorable aux cultures spécialisées telles que le chanvre. Les prix des énergies fossiles restent bas et les incitations publiques, variables et souvent insuffisantes, ne garantissent pas une rentabilité stable. Comme si cela ne suffisait pas, l’incertitude réglementaire décourage les investissements dans ce secteur.

La concurrence des cultures énergétiques bien établies, telles que le maïs, le colza et le tournesol, pénalise le chanvre, qui peine encore à développer une filière efficace. Les entreprises du secteur préfèrent se concentrer sur des produits légaux, destinés à un usage technique, à la recherche ou à la collection, dérivés de la fleur CBD, reléguant les utilisations énergétiques à un rôle secondaire.

Image évocatrice du cannabis et énergie renouvelable | JustBob

Cannabis : les barrières réglementaires et la perception sociale

Les restrictions réglementaires de nombreux pays sur la culture du Cannabis sativa constituent l’un des principaux obstacles à l’utilisation du chanvre dans le secteur énergétique. Même dans les États où la culture de variétés à faible teneur en THC est légale, des contraintes bureaucratiques et des contrôles persistent, ce qui décourage les agriculteurs. La confusion avec le cannabis psychoactif alimente la méfiance et freine les investissements.

Les règles relatives à l’utilisation des sols et aux aides agricoles ont également un impact négatif. Dans de nombreuses régions, les cultures énergétiques ne bénéficient pas des mêmes aides que les cultures alimentaires. Ainsi, bien que l’UE encourage la transition écologique, les politiques agricoles n’encouragent pas toujours les cultures innovantes telles que le chanvre.

Sur le plan social, des préjugés tenaces persistent. Malgré la diffusion d’informations sur la différence entre le chanvre industriel et la marijuana, la stigmatisation demeure et entrave les décisions politiques, l’accès au crédit et l’acceptation dans les communautés locales : c’est pourquoi des campagnes d’information fondées sur des données scientifiques claires sont nécessaires.

Scénarios futurs et rôle du chanvre dans la transition énergétique

Le cannabis ne couvrira peut-être pas une part significative de la consommation énergétique mondiale, mais il pourra être utile dans des contextes spécifiques : production locale dans les zones rurales, récupération de terres marginales, systèmes agroforestiers multifonctionnels, énergie de secours pour les communautés isolées.

Son intégration avec d’autres sources renouvelables pourrait renforcer son impact. Des systèmes hybrides combinant photovoltaïque, batteries et biomasse de chanvre pourraient offrir des solutions fiables dans les zones reculées. Les réseaux intelligents pourraient exploiter la biomasse comme réserve programmable, compensant ainsi l’ intermittence typique de l’énergie solaire et éolienne.

La bioéconomie circulaire est le contexte le plus favorable au chanvre. Chaque partie de la plante est valorisée dans une logique en cascade, réduisant les déchets et augmentant la valeur extraite : par exemple, les résidus de fibres peuvent être transformés en biogaz, le digestat peut fertiliser de nouvelles cultures, bouclant ainsi les cycles des nutriments. Cette approche dépasse les limites des filières linéaires, rendant la multifonctionnalité économiquement viable.

Lire aussi : Carburants du futur : le chanvre est-il l’une des solutions aux problèmes environnementaux ?

Le potentiel réel du chanvre entre enthousiasme et pragmatisme

Le chanvre présente sans aucun doute des caractéristiques intéressantes en tant que source d’énergie renouvelable, étayées par des preuves scientifiques solides en matière de productivité, de durabilité environnementale et de polyvalence d’application. Ses propriétés agronomiques favorables, combinées à de faibles intrants requis et à des avantages écosystémiques, en font une option digne d’intérêt dans le cadre de la transition énergétique.

La compétitivité économique est le principal problème de cette plante. Sans aides publiques substantielles ou augmentation des prix des combustibles fossiles, le chanvre énergétique aura du mal à s’imposer face à des alternatives bien établies. Les opérateurs du secteur, y compris les entreprises spécialisées qui proposent du cannabis CBD et des produits dérivés dans le respect de la réglementation, concentrent leurs ressources sur des applications à forte valeur ajoutée plutôt que sur des marchés énergétiques à faibles marges.

L’avenir du chanvre énergétique dépendra des progrès réalisés sur plusieurs fronts : développement technologique améliorant l’efficacité de la conversion, politiques agricoles et énergétiques intégrées valorisant les avantages écosystémiques au-delà de la simple production d’énergie, dépassement des barrières réglementaires et culturelles grâce à une information scientifique correcte et précise. Dans cette perspective, le chanvre pourrait trouver des débouchés spécifiques dans le cadre de bioéconomies régionales intégrées, contribuant ainsi à des systèmes énergétiques plus diversifiés et durables.

L’enthousiasme pour le potentiel du chanvre doit être tempéré par un certain pragmatisme. Il n’existe pas de solution miracle à la crise énergétique et climatique, mais plutôt des combinaisons intelligentes de technologies, de cultures et d’approches systémiques. Le chanvre peut représenter une pièce importante de ce puzzle complexe, qui mérite d’être étudié et testé de manière contrôlée, sans attentes irréalistes, mais en reconnaissant ses qualités distinctives dans le panorama des ressources renouvelables.

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Cannabis et énergie renouvelable : takeaways

  • Le chanvre possède un potentiel énergétique concret grâce à sa productivité élevée, sa croissance rapide et la polyvalence de sa biomasse, qui peut être transformée en biodiesel, bioéthanol, granulés et biogaz avec de bons rendements énergétiques ;
  • Les avantages environnementaux sont importants : la plante absorbe le CO₂, améliore le sol, nécessite peu d’intrants agricoles et favorise la biodiversité, offrant un cycle de production plus durable que de nombreuses cultures traditionnelles ;
  • Les difficultés économiques, réglementaires et sociales restent le principal obstacle : les coûts de production élevés, les incitations limitées et les préjugés culturels freinent son développement, tout en laissant place à un rôle complémentaire dans la bioéconomie et les systèmes énergétiques locaux intégrés.

Cannabis et énergie renouvelable : FAQ

Pourquoi le chanvre est-il considéré comme une option d’énergie renouvelable ?

Le chanvre pousse vite, offre un excellent rendement de biomasse et demande peu d’eau ou d’engrais. Il peut être transformé en biodiesel, bioéthanol, pellets ou biogaz. Grâce à son cycle court et à son absorption de CO₂, il présente un très bon bilan énergétique et écologique.

Quelles sont les voies de valorisation énergétique du chanvre les plus prometteuses ?

Les graines servent à produire du biodiesel, mais sont souvent plus rentables dans l’alimentation ou la cosmétique. La biomasse est idéale pour le bioéthanol de deuxième génération, la combustion en pellets et la production de biogaz, selon des procédés déjà éprouvés.

Quels sont les principaux freins et le rôle réel du chanvre dans la transition énergétique ?

Les coûts élevés, le manque d’aides stables et les contraintes réglementaires freinent son essor. Le chanvre joue surtout un rôle local et complémentaire, au sein de filières de bioéconomie circulaire et de systèmes énergétiques hybrides avec d’autres sources renouvelables.